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Qui paie ses dettes ?

Il n’y a que deux manières de considérer une dette : elle s’honore, ou elle s’efface.

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Qui paie ses dettes s’enrichit. Ce dicton de nos grands-mères prend toute sa valeur alors que, crise Covid oblige, l’État, mais aussi les particuliers, s’endettent. Créer de la dette pour investir a un sens, alors qu’une dette de jeu n’en a aucun. Dans nos exploitations, nous connaissons ces ratios d’endettement qu’il ne faut pas dépasser. Malheureusement, le manque de discernement, la conjoncture, un événement imprévu bousculent souvent nos bonnes intentions. Globalement, le monde agricole est un bon client car nous sommes prêts à restreindre nos prélèvements privés afin d’honorer nos engagements. De plus, dans nos fermes, il y a de l’actif sous forme de terres, matériel, cheptel, que le créditeur peut saisir pour se rembourser. Contrairement à beaucoup de sociétés qui utilisent tous les artifices juridiques pour s’en sortir (par la petite porte), nous ne protégeons pas assez nos biens personnels, au risque de nous retrouver à la rue.

D’après l’anthropologue américain David Graeber, la dette remonte à la nuit des temps et serait une convention sociale permettant d’organiser les échanges. L’histoire montre que le meilleur moyen de justifier des relations fondées sur la violence et de les faire passer pour morales consiste à les recadrer en termes de dette. Dans ce modèle, la dette est censée être la preuve de l’infériorité matérielle et morale du débiteur à l’égard du créancier, qui se trouve ainsi habilité à agir envers le premier comme bon lui semble. Dans les temps anciens, on pouvait se saisir de l’épouse, des enfants, pour les faire travailler jusqu’à remboursement du capital et des intérêts. Le servage au Moyen-Âge en est un exemple, mais les formes d’esclavage sexuel sont encore courantes, même en France. À l’inverse, Solon, démocrate athénien, proposait d’annuler les dettes afin de libérer les citoyens qui avaient perdu leurs droits et leurs terres. Dans la Bible, Moïse instaure l’année jubilaire qui annule la dette tous les sept ans.

Alors, faut-il rembourser la dette Covid ? Et comment ? Les plus anciens se souviennent des années 1970-1980 et des taux d’intérêt de 10 %, voire plus. Pourtant, nous remboursions nos prêts en partie grâce à une inflation galopante favorable aux investisseurs. La situation était certes différente, avec le plein-emploi et un pays en développement. Aujourd’hui, nous perdons en compétitivité, le chômage augmente, donc les coûts sociaux creusent le déficit et les rentrées s’amenuisent. Or, une dette s’apprécie en fonction de la durée d’amortissement, du taux d’intérêt et de l’inflation. Nous empruntons actuellement à des taux proches de zéro, voire négatifs. Il faudra m‘expliquer comment un créancier normalement constitué peut payer pour prêter !

Laisser filer l’inflation, c’est pénaliser la moitié des Français en dessous du salaire médian. Resterait à étaler la dette sur cinquante ans ? Et donc refiler le bébé et l’eau du bain à nos enfants. Alors, rembourser la dette, ou l’enfouir dans les tréfonds de la Banque centrale ? Ma voisine répétait : « Les dettes, je les laisse vieillir et les vieilles dettes, je les oublie. » Les plus grands experts se contredisant, ce que j’en dis, moi, c’est juste battre de la goule pour faire du vent…

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